Au pays de Gargantua : le carnaval comme art de vivre en Flandre – Le Carnaval de Bailleul

En Flandre française, entre Lille et Dunkerque, aux portes de la Belgique, la ville de Bailleul
célèbre chaque Mardi-Gras une tradition carnavalesque qui perdure depuis au moins 1853.
C’est en effet à cette date que remonte la première mention documentée du Carnaval de Bailleul,
qui prenait alors la forme d’un cortège organisé sur une journée. Ce défilé mettait en scène le géant
Gargantua, accompagné de ses mitrons, de l’harmonie du géant, de chars illustrant l’histoire de la
ville, de « La Bonbonnière », et du pittoresque Docteur Francisco Piccolissimo.


Le Carnaval s’étale aujourd’hui sur cinq jours et comprend pas moins de quarante chars, en plus des
chars fondateurs. Il est l’événement phare de la ville, mobilisant tous ses habitants qui se préparent
avec enthousiasme pour célébrer cette tradition qui se veut avant tout « familiale » (André Desmis,
Président de la Société Philanthropique de Bailleul). La fête repose ainsi sur un tissu social dense,
de liens de proximité et de confiance, où « tout le monde se connaît ». Le Carnaval de Bailleul, à la
différence de celui de Dunkerque, régulièrement cité en contre-exemple par les acteurs bailleulois,
tient à rester une manifestation populaire à visée communautaire et philanthropique.

La Société Philanthropique

Fondée en 1852 par Emile Colpaert, un Bailleulois érudit, la Société Philanthropique de Bailleul est
à la tête de l’organisation du Carnaval. Cette association, composée exclusivement de bénévoles, est également engagée dans l’action caritative, en soutenant différents acteurs locaux de la solidarité.
L’aide apportée varie en fonction des recettes générées par le Carnaval, notamment grâce à la quête assurée par « les Blousons rouges » (nom donné aux membres de la Sté). En effet, à partir du 1er janvier et ce jusqu’au Carnaval, ceux-ci effectuent du porte-à-porte auprès des habitants de Bailleul afin de récolter des fonds.

En 2025, l’association compte 41 membres, dont 5 femmes.

La Société des Quêteurs

Considérée comme « société sœur » de la Société Philanthropique de Bailleul, la Société des
Quêteurs joue un rôle complémentaire dans les festivités carnavalesques. Tout comme les
« Blousons rouges », ses membres participent activement à la collecte de fonds, à la différence près que celle-ci a lieu uniquement durant le Carnaval. L’argent collecté sur les cinq jours permet la confection de colis alimentaires à destination des aînés, distribués au moment de Pâques.


La genèse de la Société des Quêteurs est sujette à discussion : d’après le fanion de l’association, la
date de 1933 reste retenue. Cependant, un journal local évoque dès 1869 la présence d’un président
des quêteurs, laissant entendre que la collecte pourrait avoir été assurée sous l’égide de la Société
Philanthropique ou d’une structure liée dès la fin du XIXᵉ siècle.


En 2025, l’association compte 43 membres, dont 1 femme.

Gargantua IV

Naissance : 1965
5 m de hauteur
600 kg
Créatrice : Madeleine Béat, artiste régionale
Représenté assis, il défile sur un char tiré par quatre chevaux de race boulonnaise.

Gargantua, sorti tout droit du conte rabelaisien, figure bon vivant, joufflu et ventru. Il tient une
futaille entre les jambes, un hanap dans la main gauche, et serre un gigot dans la main droite. Il est
vêtu d’un pourpoint en velours bleu, d’un manteau flottant en velours rouge surmonté d’une
colerette blanche, et d’un bérêt Renaissance. Il porte au cou un énorme collier signifiant le rang de
ce grand seigneur.

Le Docteur Francisco Piccolissimo

Il est l’un des personnages phares du Carnaval de Bailleul. Chaque année, le jour de Mardi-Gras, le
Dr Francisco Piccolissimo, venu de Pampelune, vient réveiller la cité bailleuloise par ses pitreries,
son humour cinglant et son charisme unique. Véritable maestro de la fête, il sait captiver les foules
avec ses interventions imprévisibles et son esprit vif. Sont particulièrement attendues deux de ses
interventions. La première, qui a lieu en milieu de matinée, prend la forme d’un discours satirique
tenu dans la salle des mariages de l’Hôtel de ville de Bailleul, et adressé aux édiles. Le deuxième
moment a lieu en début de soirée, sur le parvis de l’Hôtel de ville. Il s’agit des « Opérations du
Docteur », lors desquelles ce dernier endosse un rôle de chirurgien loufoque et facétieux. Avec un
équipement médical exagéré et des instruments improbables, il met en scène des interventions
médicales hilarantes et décalées sur des individus choisis dans la foule du Carnaval, et dont le point
final spectaculaire est un lancer de tripes. Il est aidé d’infirmiers.

Les Ecossais

Aux côtés du Docteur Piccolissimo, une autre figure emblématique occupe une place de choix dans le cœur des Bailleulois : celle des « Écossais ». Des mots d’André Desmis, porte-voix des carnavaliers, « Un Carnaval sans les Ecossais, ce n’est pas un Carnaval ».


Venus de Hawick, une ville située dans les Scottish Borders, au sud-est de l’Écosse, les membres du
Hawick Pipe Band – rebaptisé Carnaval Pipe Band pour l’occasion – forment un ensemble de cornemuseurs et de tambours qui font résonner les airs traditionnels écossais dans la cité flamande.
La spécifité de la relation entretenue avec ces musiciens tient notamment au fait que les habitants de Bailleul ouvrent généreusement leurs maisons pour les loger durant les cinq jours du carnaval,
certains depuis de nombreuses années. Plus qu’une simple participation musicale, cette tradition d’accueil transforme leur venue en une expérience humaine chaleureuse, renforçant encore davantage les liens d’amitié entre les deux communautés.

Les écossais défilent aux côtés des musiciens balleulois © Charlotte Goetgheluck

Les chars

Le Carnaval de Bailleul se distingue des autres carnavals régionaux en ce qu’il se présente comme
une véritable parade de chars richement décorés et entraînés par des individus costumés. Ces chars,
au nombre limité de 40, sont confectionnés par des groupes carnavalesques locaux – associations,
groupes d’amis, représentants d’institutions publiques, etc.

La Société Philanthropique dispose également de chars propres, dont deux représentent l’histoire de la ville de Bailleul :

Durant le Carnaval, on peut aussi voir défiler des « Grosses Têtes », des versions miniatures des géants portés, dont certaines ont été confectionnées à Nice.

Grosses têtes © Charlotte Goetgheluck

Autres événements notables

  • Les bals
  • La messe carnavalesque
  • Les élections de la Reine et du Prince du Carnaval
  • La bénédiction des fûts

Charlotte Goetgheluck, doctorante en anthropologie à l’Université de Picardie Jules Verne

Bibliographie

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LIENS POUR APPROFONDIR

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Fiche d'inventaire