Les costumes traditionnels, un élément visible du patrimoine maritime

À l’image d’autres régions qui ont développé des tenues locales aujourd’hui incluses dans le patrimoine, la Côte d’Opale est riche de ses tenues traditionnelles, issues du passé maritime des villes côtières de la région. Symboles d’un corporatisme et d’une endogamie du milieu de la marine, dont l’importance de la religion était très importante, ces tenues sont fortement liées aux pratiques religieuses locales et notamment ceux des familles de marins. Ces tenues étaient portées en diverses occasions tout au long de l’année et variaient selon la localité ou le contexte de la sortie. Si, chez les hommes, la tenue du « marin à terre » variait assez peu (casquette assortie d’un pantalon en drap bleu marine et d’une vareuse, généralement marron ou bleue, et souvent accompagnée d’un foulard à pois), la tenue féminine était beaucoup plus diversifiée. Trois grands types de tenues caractérisaient les femmes : celle de la vie quotidienne, assez sobre ; la tenue de mariage ou de deuil, aux couleurs blanches ou noires ; encore différentes des tenues dites « de cérémonies » sorties pour des occasions particulières, patriotiques (venues de personnalités officielles dans la commune) ou religieuses (bénédictions de la mer notamment). 

Il existe des disparités dans la constitution et les couleurs des tenues, notamment celles des femmes, selon le port concerné. Si de nombreuses villes adoptent le fameux « Soleil », coiffe emblématique en dentelle amidonnée, comme c’est le cas à Calais, Wissant, Etaples ou bien sûr Boulogne-sur-Mer, des communes comme Le Portel développent des tenues vraiment distinctes avec un bonnet (appelé « toquet ») et des couleurs liées à l’âge et au statut de la femme (jeune fille, mariée ou veuve). Certaines villes réalisent au cours du XIXe siècle des costumes mixtes, avec, par exemple, le Soleil boulonnais, mais des châles aux couleurs plus sophistiquées, comme à Le Portel (ou Equihen).

Ces tenues de cérémonies, très complexes à porter et à entretenir, sont toujours associées à un certain nombre de bijoux en or ou en argent, visant à montrer la prospérité des familles qui les arborent, et porteurs de symboles spécifiques. Entre la bague attribuée au marin (le capelet), les bagues de fiançailles ou de mariage (milanos à Boulogne, lisbonne à Le Portel) et les boucles d’oreilles (dorlots), chaque bijou porte une signification qui marque des distinctions d’une ville à une autre.

Si ces tenues étaient, du temps où les familles vivaient exclusivement de la pêche, le marqueur d’une classe voire d’un corps de métier, l’évolution du modèle économique et social des métiers de la mer a transféré toutes les traditions de ces familles de matelots (dont les tenues) dans le domaine du patrimoine culturel immatériel. Dès lors, si les tenues de cérémonie sont aujourd’hui sorties par une minorité de familles lors des célébrations religieuses associées, les tenues traditionnelles de la Côte d’Opale sont devenues des emblèmes du folklore local. Elles sont dorénavant portées principalement lors des manifestations folkloriques (fêtes de la mer, du hareng, etc.), notamment par les associations de traditions populaires (Les Soleils Boulonnais, les Bon Z’enfants d’Etaples, etc.) à l’occasion de démonstrations de chants et danses locales et parfois des « défilés » de tenues traditionnelles.

Ces tenues, symboles des traditions maritimes, sont également mises en avant par les géants (Batisse, Zabelle et Ti Pierre à Boulogne par exemple) ou lors de spectacles vivants de plus grande ampleur, comme les revues locales patoisantes, où elles sont des éléments indispensables du final.On retrouve aussi une véritable appropriation de cette tradition par les artistes peintres et  illustrateurs dans une optique de publicité du territoire. Le Soleil, si typique, a été (et est encore) largement utilisé dans des affiches publicitaires, notamment lors du développement du Boulonnais comme station balnéaire pendant le XIXe siècle. Des peintres comme Cyril Martin (1938 – 2023) ont fait de la mise en scène des tenues boulonnaises d’antan leur spécialité. Des graphistes comme Pierre Bourgain (L’Atelier Design) continuent actuellement de se réapproprier ces éléments pour développer une marque de fabrique associant tradition et modernité graphique.