Les cartes postales sont des moyens importants de diffuser l’image d’une région à travers des termes et des images choisis. Cette industrie connait un développement considérable en France depuis la fin du XIXe siècle ; l’entre-deux guerres est son âge d’or, chaque localité se dotant d’éditeurs de cartes postales et de bureaux de tabac, où l’on en fait le commerce.
Le plus souvent les personnages figurés sur ces cartes postales sont revêtus de « costumes régionaux ». Mis en valeur dans le cadre du mouvement régionaliste depuis la fin du XIXe siècle, ce sont des « chefs d’œuvre en péril » dont les folkloristes tentent de sauver quelques spécimens. Ils font l’objet de collections présentées dans certains musées de province et dans la salle de France du musée des ATP avant-guerre, mais ils sont également exhibés dans les festivals maritimes dès le début du XXe siècle.
Popularisés par la carte postale, ces costumes, rarement populaires et jamais traditionnels, participent à la construction de traditions : ils sont l’emblème d’identités régionales et locales, d’espaces plus que d’époques, dont ils gomment systématiquement les distinctions statutaires (jeune fille ou femme mariée, veuve…). Ils illustrent des types : pêcheur en ciré accoudé à sa barque, matelote, dame de la halle, pêcheuse de crevettes, etc. Ce sont des figures exotiques, à l’instar de celles des bayadères ou des femmes des colonies.
Si le terme de matelot remonte au XIVe siècle, pour désigner l’homme d’équipage, celui de matelote, plus récent, renvoie à l’univers de la cuisine (XVIIe) puis à celui de la danse (XVIIIe) avant de signifier la femme du matelot. « Verotière » vient de « véroter », un terme du début XIXe qui signifie « chercher des vers pour la pêche ». Tandis que les jeunes femmes pratiquent le vérotage et la pêche à la crevette, les femmes plus âgées sont pêcheuses à la côte, c’est-à-dire qu’elles disposent et relèvent les filets posés en bord de mer par les vieux matelots.
La pêcheuse de crevette porte une manne et un lourd filet de près de 10 kg. Elle l’utilise dans l’eau, pendant une heure trente environ, au moment où la mer cesse de descendre. Cette pêche a surtout lieu de mars à juillet, tandis que le travail des verotières se pratique à marée basse, avec une petite bêche et un seau, d’octobre au printemps. À la morte-saison, les matelotes travaillent aussi aux champs, comme sarcleuses.
Sur les cartes postales illustrant le territoire boulonnais, les costumes sont généralement portés par des modèles féminins jeunes et séduisants, maquillés et coiffés, qui prennent la pose (contraposto classique de la pêcheuse de crevettes). Les tissus des costumes, neufs et brillants, portent souvent les plis de leur mise en réserve et du repassage préliminaire à la prise de vue. Les châles unis de laine, trop courants, sont remplacés par des cachemires pour la photo.
Les costumes s’accompagnent d’accessoires (bijoux, mais aussi filet porté comme un emblème, paniers disposés à l’avant-plan). Ils sont mis en scène dans un studio photographique, devant un paysage marin peint à l’arrière-plan. D’autres séries insistent en revanche sur la pauvreté des « indigènes » : la pêcheuse de crevettes figurée devant une scène d’orage est pieds nus, la tête couverte d’un simple fichu ; elle s’enveloppe dans une veste trop grande et porte son filet sur le dos comme un fardeau.