A l’image du Glazig en Bretagne ou de la Kutt en Alsace, la Côte d’Opale est riche de ses tenues traditionnelles issues du passé maritime des villes côtières de la région. Fortement associées à la religiosité des traditions locales, ces tenues sont sorties à de diverses occasions tout au long de l’année et varient selon la localité ou le contexte de la sortie. Si, chez les hommes, la constitution de la tenue du « marin à terre » varie assez peu (casquette assortie d’un pantalon en drap bleu marine et d’une vareuse généralement marron ou bleu et souvent accompagnée d’un foulard à pois), la tenue féminine est beaucoup diversifiée. On peut notifier trois grands types de tenues pour les femmes. La tenue de la vie quotidienne assez sobre, la tenue de mariage ou de deuil aux couleurs blanches ou noires et la tenue de cérémonie, sortie lors des bénédictions de la mer ou autres grands événements religieux ou patriotiques.
On va donc retrouver des disparités sur la constitution et les couleurs des tenues, notamment celles des femmes, selon le port dans lequel on se trouve. Si de nombreuses villes adoptent le fameux « Soleil », coiffe emblématique en dentelle amidonnée, comme c’est le cas à Calais, Wissant, Etaples ou bien sûr Boulogne-sur-Mer. Des communes comme Le Portel développent des tenues vraiment distinctes avec un bonnet (appelé « toquet ») et des couleurs selon l’âge et le statut de la femme (jeune fille, mariée ou veuve). Des villes réalisent au fur à mesure des costumes mixtes avec par exemple le Soleil boulonnais mais avec des châles aux couleurs plus sophistiqués plus proche de celles de Le Portel (comme à Equihen).
Ces tenues de cérémonies, très complexes à porter et à entretenir, sont toujours associées à un certain nombre de bijoux en or ou en argent visant à montrer la prospérité des familles les arborant et portant des symboles spécifiques. Entre la bague attribuée au marin (le capelet), les bagues de fiançailles ou de mariage (milanos à Boulogne, lisbonne à Le Portel) et les boucles d’oreilles (dorlots), chaque bijoux porte une signification et est l’occasion de faire des distinctions d’une ville à une autre.
Si ces tenues étaient, du temps où les familles vivant exclusivement de la pêche, marqueur d’une classe voire d’un corporatisme, l’évolution du modèle économique et social des métiers de la mer a transféré toutes les traditions de ces familles de matelots (et donc les tenues qui vont avec) dans le domaine du patrimoine immatériel. Dès lors, si les tenues de cérémonies sont toujours sorties par une minorité de familles lors des célébrations religieuses associées, les tenues traditionnelles de la Côte d’Opale sont devenues des emblèmes du folklore local. Elles sont dorénavant portées principalement lors des manifestations folkloriques (fêtes de la mer, du hareng, etc.), notamment par les associations de traditions populaires (Les Soleils Boulonnais, les Bon Z’enfants d’Etaples, etc.) à l’occasion de démonstrations de chants et danses locales et parfois des « défilés » de tenues traditionnelles.
Ces tenues symboles des traditions maritimes sont également mis en avant par les géants (Batisse, Zabelle et Ti Pierre à Boulogne par exemple) ou lors de spectacles vivants de plus grande ampleur comme les revues locales patoisantes où ces tenues sont des éléments indispensables du final.
On retrouve aussi une véritable appropriation de cette tradition de costumes par les artistes peintres et autres illustrateurs dans une optique de publicité du territoire. La tenue du Soleil, si typique, a été (et est encore) largement utilisée dans des affiches publicitaires, notamment lors du développement du Boulonnais comme station balnéaire pendant le XIXe siècle. Des peintres comme Cyril Martin (1938 – 2023) ont fait de la mise en scène des tenues boulonnaises d’antan leur spécialité. Des graphistes comme Pierre Bourgain (L’Atelier Design) continuent actuellement de se réapproprier l’esthétique costumière locale pour développer une marque de fabrique associant modernité du style et tradition des représentations.
